FRANÇAIS (ANCIEN DROIT)

FRANÇAIS (ANCIEN DROIT)
FRANÇAIS (ANCIEN DROIT)

Liberté, égalité, ces deux principes constituent, en 1789, les fondements de l’ordre nouveau, mais plus encore la négation radicale de l’ancien droit français, en ce qui concerne tant la conception de l’État que celle des droits individuels. L’explosion individualiste de la Révolution française a gagné toute l’Europe, tandis qu’elle a profondément retenti en France. Cette situation postule tout le contexte politique, économique et social du XIXe siècle. Mais la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789 ne fait que consacrer de façon spectaculaire des principes qui, tout au long du XVIIIe siècle, trouvèrent de plus en plus de défenseurs, grâce surtout aux écoles du droit naturel.

Selon l’article premier de la Déclaration, «les hommes naissent libres et égaux; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune». Complément indispensable de l’égalité, la liberté assure sa réalité. Ces droits «naturels et imprescriptibles» sont conçus pour permettre à l’individu de se défendre contre le pouvoir, de résister à l’arbitraire des gouvernants. Cette préoccupation, essentielle en 1789, s’inscrit dans la ligne de la lutte des parlements de l’Ancien Régime contre l’absolutisme monarchique, elle deviendra l’une des constantes de la vie politique moderne en France. L’exaltation de la liberté est aussi le prélude à l’affirmation, dans le domaine économique, de la supériorité de l’initiative privée. Le droit de propriété figure en bonne place parmi les divinités de l’État républicain; il est «inviolable et sacré» (art. 17 de la Déclaration). Le libéralisme économique, corollaire du libéralisme politique, est à l’origine des inégalités sociales qui marqueront, au XIXe siècle, l’apparition du capitalisme industriel. L’ancien droit français repose sur la tradition. La monarchie française de droit divin fait du roi le représentant de Dieu dans le royaume. Il existe une mystique de la royauté qui s’est développée dans une véritable atmosphère religieuse; elle conditionne autant la constitution monarchique de l’Ancien Régime prise dans son ensemble que son administration, plus technique, mais de formation tout aussi coutumière et qui met en œuvre des pouvoirs fondamentalement dévolus au monarque.

1. La constitution monarchique

La légitimité monarchique apparaît comme l’antithèse des systèmes démocratiques modernes qui sont fondés sur l’élection au suffrage universel. C’est le «sang» qui légitime la transmission du pouvoir royal. En réalité, le problème de la dévolution de la couronne est complexe, et la façon dont il a évolué est pleine d’enseignements.

Le roi, représentant de Dieu

Au début de l’époque franque (Mérovingiens), le roi considère le royaume comme son bien; cette conception patrimoniale a pour conséquence, à la mort du monarque, le partage du royaume entre ses fils, les filles étant exclues comme elles le sont de la succession à la terre des ancêtres (terra salica ). De son vivant, le souverain, chef militaire, jouit de l’autorité que lui confère son pouvoir personnel. Ses sujets, ou plus exactement ses guerriers, lui doivent personnellement obéissance, car ils lui ont prêté serment de fidélité et l’ont élevé sur le pavois. Le prestige de la dynastie mérovingienne vient de ce que son pouvoir est considéré comme issu de Dieu. Lors de l’usurpation des Carolingiens, le problème de la légitimité se posera donc en termes religieux.

En 751, le maire du palais, Pépin le Bref, se fait élire roi des Francs par l’assemblée des grands. Cette élection, dont le résultat était convenu d’avance, ne paraît offrir un support constitutionnel suffisant que dans l’immédiat. Elle entérine en fait un rapport de forces, et celui-ci peut évoluer. Aussi Pépin le Bref va-t-il s’efforcer de maintenir la couronne dans sa famille en utilisant des procédés moins aléatoires que l’élection et plus conformes aux goûts de l’époque. Pour frapper l’imagination des contemporains, il demande au pape Zacharie de confirmer sa désignation. L’union étroite des Carolingiens et de l’Église sera encore renforcée par le sacre de Pépin le Bref et de ses successeurs.

Simultanément, les Carolingiens retrouvent, en partie seulement, l’idée d’État et de fonction publique telle qu’elle avait existé dans le droit romain. En principe, le roi continue d’être élu – c’est le choix du plus digne –, en pratique, le monarque régnant fait élire son fils aîné et le fait sacrer de son vivant. L’affaiblissement de la dynastie carolingienne va rendre de nouveau l’élection libre et permettre l’«usurpation» des Capétiens (987). À vrai dire, l’usurpation est surtout évidente pour un moderne. Les Capétiens sauvent soigneusement les apparences; toutes les occasions sont mises à profit pour bien marquer la continuité des deux dynasties. Outre des symboles propres à émouvoir les esprits (l’oriflamme de saint Denis est assimilée à l’étendard de Charlemagne, l’épée de ce dernier – Joyeuse –, découverte fort à propos, figurera au sacre de Philippe III le Hardi en 1271), la conception ecclésiastique de la fonction royale assure que la continuité est légitime. Non seulement le sacre subsiste, mais ses rites s’enrichissent. Le roi sacré est dans un état voisin du sacerdoce, il jouit de grâces d’état qui lui permettent d’obtenir la guérison miraculeuse des écrouelles (humeurs froides). Ce caractère religieux de la monarchie française subsistera jusqu’à Charles X, sacré en 1825, qui procède au dernier toucher des écrouelles.

Le développement du caractère religieux de la royauté fonde communément la légitimité du pouvoir que l’on retrouve dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Une telle évolution n’est concevable qu’à une époque de foi intense.

La doctrine de la souveraineté théocratique vient renforcer l’hérédité du pouvoir royal, qui demeure le fondement de la légitimité dans la France de l’Ancien Régime. La conception patrimoniale du pouvoir, héritée de l’époque franque, n’a pas pour autant disparu, car elle semblait aussi naturelle, pour la dévolution de la couronne, que le principe de l’hérédité utilisé en droit public. Le premier Capétien, Hugues Capet, n’était, en effet, qu’un féodal devenu roi. Or la féodalité est, en gros, une appropriation des charges publiques, une identification entre la propriété du sol et l’exercice de la puissance publique: commandement militaire, justice, impôts. La féodalité s’analyse comme un processus de désagrégation de l’État, dans la mesure très sommaire où cette notion existait sous les Capétiens. Cette désagrégation aboutit à un émiettement du pouvoir entre les seigneurs locaux. Mais bien souvent le morcellement n’est qu’apparent, un regroupement s’opérant, en effet, par l’intermédiaire des grands seigneurs, ce qui facilitera plus tard la reconstitution par le roi de l’unité nationale.

Les Capétiens, à l’origine simples seigneurs, n’ont d’autorité réelle que sur leur propre domaine. La distinction entre droit public et droit privé ne s’est faite qu’au cours d’une longue évolution. Les juristes, en raison du danger que présentait un tel état de choses, dégagent une théorie statutaire , selon laquelle la couronne est dévolue suivant un statut excédant les règles du droit privé.

Les lois fondamentales

Les lois constitutionnelles de la monarchie, ou, selon la terminologie d’alors, les lois fondamentales , sont d’origine coutumière, et c’est pourquoi «l’accord ne s’est jamais fait ni sur leur liste exacte ni sur leur nature profonde» (F. Olivier-Martin).

La plupart de ces règles visent la dévolution de la couronne, car avant tout importe la continuité de l’État, que traduit l’adage: «Le roi est mort, vive le roi!» «Le roi de France est toujours majeur», car le régent ne gouverne qu’au nom du roi mineur. La couronne de France est indisponible. Sur ce point, la théorie statutaire prend tout son sens. Le roi ne peut ni abdiquer ni renoncer au trône, pas plus qu’il ne peut écarter son successeur légitime. Ce dernier est l’aîné de ses fils, en vertu du principe de primogéniture, et le principe coutumier de masculinité – que l’on justifiera après coup par référence à la vénérable loi salique – permet d’exclure les filles ainsi que les parents par les filles.

Au XVIe siècle, la catholicité du roi, jusque-là implicite, est affirmée en raison de la Réforme protestante. Enfin, le principe de l’inaliénabilité du domaine de la Couronne, principe coutumier comme tous les précédents, est consacré et précisé par l’ordonnance de Moulins (1566). Cette règle pose des problèmes de droit international (arrêt solennel du parlement de Paris cassant le traité de Madrid en 1526).

D’autres lois fondamentales concernent la fonction royale; elles se rattachent à deux idées essentielles: l’indépendance de la Couronne à l’égard de l’extérieur et son absolutisme à l’intérieur. Dans le cadre de la lutte pour l’hégémonie en Europe, le pouvoir royal renforcera son autonomie à l’égard de l’empereur germanique comme à l’égard du pape (les deux «moitiés de Dieu» de l’époque). Vis-à-vis du premier, les légistes (juristes défendant les droits des princes dans la plupart des cours d’Europe) professent que «le roi est empereur dans son royaume». Comme tels, les souverains contestent le monopole de la succession de Charlemagne, dont se prévalait l’empereur germanique. Une prééminence d’honneur est, en revanche, reconnue au pape. Cependant, en réaction contre l’universalisme médiéval, le roi de France, comme les autres souverains chrétiens, «conteste au pape le droit d’intervenir par voie d’autorité dans les affaires internationales comme dans les affaires nationales qui ne relèvent pas directement du magistère spirituel» (P. C. Timbal). Les théories gallicanes, qui consacrent l’indépendance de l’Église de France, reposent sur le principe selon lequel le monarque ne tient son pouvoir que de Dieu seul. L’indépendance du roi à l’extérieur n’est que la réciproque de son pouvoir croissant à l’intérieur; elle va de pair avec l’apparition des nationalismes européens. L’évolution conduit d’elle-même à l’absolutisme, du moins jusqu’à un certain point.

De la monarchie tempérée à la monarchie absolue

On considère que le roi jouit dans son royaume de toutes les prérogatives qui étaient celles de l’empereur romain autrefois. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, il existe des contrepoids à l’autorité royale: états généraux, états particuliers, parlements; la monarchie est ainsi «tempérée». À partir du XVIIe siècle, et cela tant par une évolution naturelle que sous l’influence de l’opinion publique (la bourgeoisie surtout) lassée des désordres des époques antérieures, c’est la monarchie «absolue» ou «administrative» qui s’instaure, limitée toutefois par les coutumes ou l’intervention des cours souveraines.

Le roi réunit les états généraux et les assemblées de notables pour leur demander aide et conseil. En dépit des apparences, il s’agit d’institutions très différentes de nos assemblées modernes. Il n’y a pas, sous l’Ancien Régime, de libertés individuelles véritables. À l’instar des droits, ce sont moins celles des individus que celles des ordres ou des états. C’est là un phénomène général à l’époque. La monarchie a utilisé l’«aide» et le «conseil» usités entre les seigneurs féodaux et leurs vassaux qui permettaient aux premiers de faire appel aux seconds en cas de besoin. Parallèlement, les états généraux sont convoqués quand les circonstances l’exigent. Les assemblées ont un caractère de plus en plus représentatif, mais les élus siègent et votent toujours par ordres, c’est-à-dire groupés selon les trois classes qui composent la nation (clergé, noblesse, tiers état ou roturiers). Délibérations communes et permanence seront l’une des premières conquêtes des États généraux de 1789.

Convoqués par le roi qui a l’initiative des délibérations et donc dépendants de lui, les députés aux états généraux sont également liés étroitement à leurs électeurs par la théorie du mandat impératif. Les états généraux n’ont joué qu’un rôle épisodique. Convoqués en période troublée lorsque le roi voulait s’assurer de l’appui de l’opinion publique, il était bien difficile d’en attendre modération et sagesse, le chantage apparaissait dans l’ordre des choses. Leur patriotisme, durant la guerre de Cent Ans, est déjà assez étonnant. Divisés en ordres, il était inévitable que chaque classe défende ses privilèges au détriment des autres, sinon de l’intérêt national.

Loin de chercher à améliorer l’institution, l’opinion publique s’en désintéresse. Les états généraux sont, pour les électeurs, synonymes de dépenses. Non seulement le souverain les convoque, en général, pour obtenir la création d’un impôt nouveau, mais les élus doivent être indemnisés. Seul élément positif: certaines revendications (cahiers de doléances) ont eu parfois d’heureux effets, notamment au XVIe siècle où il a été tenu compte dans des ordonnances royales des suggestions des états.

Il ne faudrait cependant pas s’exagérer le caractère archaïque de l’institution et y voir la seule cause de sa décadence. C’est ainsi que le droit de suffrage, en ce qui concerne le tiers état, appartenait aux chefs de famille de la paroisse, «y compris les veuves ou les filles tenant maison distincte» (F. Olivier-Martin). Si l’individualisme est une conquête de 1789, il n’est sans doute que l’aboutissement du particularisme des ordres et des provinces qui a dominé tout l’Ancien Régime et qui explique pour une large part l’échec de la création d’un organe constitutionnel national. Un tel état de choses ne pouvait que favoriser le développement de l’autorité royale.

Le pouvoir du prince apparaît sans limites à partir du XVIe siècle. De Jean Bodin à Bossuet, les publicistes dégageront la théorie de la monarchie de droit divin, abandonnant définitivement l’idée médiévale selon laquelle l’autorité venait de Dieu par l’intermédiaire du peuple. Cependant, outre les lois fondamentales qui relèvent surtout de l’autolimitation, en raison de l’absence d’un quelconque contrôle de la constitutionnalité des lois, l’absolutisme royal se heurte à d’importants obstacles de fait.

À une époque dominée par la coutume, libertés et privilèges reposent sur la possession immémoriale plus encore que sur une concession expresse de l’autorité centrale. Le respect de l’état de choses existant y a une dimension inconnue pour un moderne familiarisé avec la centralisation administrative et la réglementation exhaustive, et cela d’autant plus que maintenant les notions de distance et de temps ne comptent pratiquement plus.

La législation royale, bien que source essentielle du droit, est loin de s’exercer sans limites: le droit privé (cf. infra ) reste principalement régi par les coutumes, et, dans le Midi, par le droit romain qui tient lieu de coutume (droit écrit). Enfin, les tribunaux royaux placés au sommet de la hiérarchie (cours souveraines) participent à la fonction législative. D’une part leurs décisions peuvent être source de droit, d’autre part la législation royale est soumise à enregistrement par les cours souveraines (parlements, notamment) pour être applicable dans leur ressort respectif. À l’occasion de cette formalité, un réel contrôle s’exerce sur les actes royaux, pouvant aller jusqu’au refus d’enregistrement motivé dans des « remontrances ». Certes, le souverain garde toujours le dernier mot. Il dispose, pour ce faire, de tout un arsenal de moyens de pression (lettre de jussion, lit de justice...). Mais on aboutit souvent à une véritable guerre d’usure, ce qui, à défaut de princes compétents ou autoritaires, finit par ébranler l’institution monarchique elle-même.

La nation organisée

Il n’est pas, enfin, jusqu’à l’organisation de la nation qui ne limite considérablement l’omnipotence royale. À défaut de libertés individuelles, au sens moderne du terme – la propriété n’est même pas absolument garantie –, la société française est organisée, hiérarchisée, sans que le roi puisse pratiquement y changer quelque chose. À l’opposé de la réaction individualiste de 1789, l’individu n’existe juridiquement qu’en fonction de son milieu social, familial et professionnel. Les groupes (corps et ordres) ont des libertés, privilèges et franchises intangibles. Très significative est la prudence avec laquelle le souverain légifère en droit privé , qui reste dominé par la pratique coutumière.

C’est ce caractère immuable contre lequel ni les «privilégiés» ni le roi ne peuvent rien qui est à l’origine des profonds clivages, facteurs essentiels de la Révolution française. La coutume, souple par essence, est devenue, dans ce domaine, synonyme de conservatisme et de routine. La tradition paraît d’autant plus choquante qu’elle perpétue l’inégalité juridique: chaque individu est soumis à la loi particulière (privilège vient de privata lex ) de son groupe. Or la division du pays en trois ordres, si elle traduisait la réalité sociale de l’époque des croisades, était parfaitement anachronique à la fin du XVIIIe siècle.

La place de la noblesse dans la société n’était plus justifiée par son rôle militaire. Beaucoup de seigneurs végétant dans les campagnes faisaient figure de privilégiés, au sens moderne et péjoratif du terme, face aux bourgeois dont le rôle économique ne cessait de croître.

Dans tous les ordres, et particulièrement dans le clergé et la noblesse, l’uniformité de statut n’était qu’apparente, l’inégalité des conditions réelles engendrant des conflits plus ou moins latents (entre le haut et le bas clergé, par exemple). Complexité et anachronisme caractérisent également l’organisation professionnelle, particulièrement dans le commerce et l’industrie. Les métiers libres sont l’exception et le système des métiers jurés la règle. Une prestation de serment est nécessaire pour entrer dans un corps professionnel et il faut se soumettre aux statuts. L’organisation corporative, valable pour l’économie en circuit fermé du Moyen Âge, empêche toute modernisation. Peu propice aux concentrations d’entreprises, elle s’oppose à la libre concurrence. De plus en plus critiqué (notamment par les physiocrates), le système corporatif, bien qu’ébranlé, subsistera jusqu’à la Révolution, après l’échec de son abolition par Turgot en 1776.

Le droit privé français est encore aujourd’hui régi, après plus d’un siècle et demi, par le Code civil de Napoléon (1804). Ce code correspond à une société individualiste et bourgeoise autant que paysanne. En dépit des bouleversements opérés par la Révolution, la continuité dans le domaine du droit civil reste remarquable. Formellement, certes, le Code civil marque le triomphe du légalisme. En réaction contre la coutume, l’idée se répand qu’il ne saurait y avoir de constitution ou de loi qu’écrite. Quant au fond, en revanche, l’individualisme, qui est la grande conquête du XVIIIe siècle, coexiste avec la restauration du sens familial que la Révolution avait voulu abolir.

La famille est, en effet, une structure essentielle pour la société de l’Ancien Régime, l’État étant composé beaucoup plus de familles que d’individus. Puissance paternelle et autorité maritale sont les fondements de la famille. Le pouvoir royal s’est toujours employé à renforcer l’autorité du chef de famille, tout particulièrement à l’occasion du mariage des mineurs. Mais le mariage, considéré comme un sacrement, est régi par le droit de l’Église. Cette dernière, aidée par l’opinion publique, s’efforce de libérer l’individu de la puissance paternelle. Sur ce point, les codificateurs de Napoléon poursuivront, au contraire, l’œuvre du pouvoir monarchique.

La condition des terres participe à la cohésion et à la stabilité du groupe familial. On distingue essentiellement les meubles et les immeubles. La perpétuité, sinon la stabilité des immeubles, reste à la base du groupe familial; c’est ce dont témoigne, notamment, la distinction faite entre les immeubles propres (biens familiaux) et les acquêts. Conservatisme et traditionalisme se retrouvent dans la hiérarchie des terres comme dans les structures sociales. Au Moyen Âge, et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, persiste l’opposition médiévale des tenures et des alleux. À l’époque féodale, la plupart des terres étaient concédées soit à des fins politiques et militaires (tenures nobles ou fiefs), soit à des fins économiques (tenures roturières ou censives). La propriété foncière était partagée entre deux personnes, le concédant et le tenancier, la hiérarchie des tenures (nobles ou roturières) correspondait en gros à la hiérarchie de la société. Ces structures périmées subsisteront jusqu’à la Révolution, mais déformées et de plus en plus contestées.

À l’opposé, les alleux, ou terres libres, demeurent en dehors de l’organisation féodale, quoiqu’ils finissent par être soumis au pouvoir royal qui peut les imposer.

Le droit des obligations, en raison de son caractère très technique, est imprégné par le droit romain, ce qui explique que la complexité y soit moindre que dans les autres domaines.

La monarchie a cherché à unifier le droit privé coutumier par la rédaction des coutumes d’abord, par la codification des ordonnances (cf. Henri-François d’AGUESSEAU) ensuite. Mais l’obstacle de la coutume était insurmontable et toutes les tentatives n’ont pu que faciliter la tâche des rédacteurs du Code civil.

2. L’administration monarchique

La nation française est organisée sur le plan territorial, tout comme elle l’est sur le plan social avec les ordres; organisation coutumière, bien entendu, qui, si elle assure les libertés des différentes régions de France, est peu compatible avec l’instauration d’une administration moderne. Celle-ci comporte un certain nombre de rouages dont il convient de percevoir les signes avant-coureurs à l’époque ici étudiée.

Le gouvernement central

L’organisation territoriale fait ressortir la diversité de situation des groupements d’individus. La nation est divisée en provinces («pays», selon la terminologie la plus ancienne), puis en villes et communautés d’habitants. Chaque province a une situation particulière, elle a ses privilèges et ses libertés. Les groupements sociaux et professionnels, qui se superposent et s’enchevêtrent dans une province, sont résolument conservateurs. C’est là un penchant naturel que renforce encore la crainte d’être dominé par l’absolutisme royal. Toute modification par le souverain se heurte à de sérieuses réactions, d’où la nécessité, surtout lorsque le pouvoir du prince est mal affermi, de consultations des groupements intermédiaires qui composent la nation. Outre les convocations d’états généraux (cf. supra ), le roi procède souvent à la réunion d’assemblées de notables qui sont un diminutif des précédentes. Plus maniables, elles ont connu au cours des siècles la même décadence pour des raisons identiques.

L’absence d’institutions constitutionnelles, pouvant faire contrepoids au pouvoir royal, fait des organes du gouvernement central de simples auxiliaires du monarque, qu’il s’agisse du Conseil du roi ou des ministres.

Le devoir féodal de conseil, qui est à l’origine des états généraux, se retrouve dans le gouvernement royal «à grand conseil». Le principe est posé par une ordonnance de 1374. «Nous et nos prédécesseurs nous avons toujours gouverné et gouvernons en tous nos faits par grand nombre de sages, hommes clercs et laïques.» Le conseil étant un devoir et non un droit pour les sujets, le roi consulte qui il veut. En fonction des circonstances, il demandera l’avis de tel ou tel groupe, de telle ou telle catégorie d’agents de l’État, mais il existe un organe, le Conseil du roi , ou Curia regis , dont la fonction normale est de conseiller le souverain. Il s’est constitué empiriquement du XIIIe au XVIe siècle. Pour des raisons techniques, une différenciation croissante s’opère sous le signe de la spécialisation des attributions. C’est ainsi qu’au XIIIe et au XIVe siècle le Parlement et la Chambre des comptes se séparent du Conseil pour se consacrer le premier aux questions judiciaires, la seconde aux questions financières. Aux siècles suivants, cette subdivision en reste là, mais la spécialisation se poursuit au sein du Conseil, en conformité avec la modernisation des services. Pourtant, en dépit de cette évolution, l’unité du Conseil demeure.

Le système définitif est mis au point sous Louis XIV. Les questions politiques importantes (affaires étrangères surtout) sont examinées par le Conseil d’en haut (car il se tient à Versailles, au premier étage du palais, près de la chambre du roi), ou Conseil d’État. Il est présidé par le souverain et personne n’y a accès de plein droit, bien que certains ministres y siègent habituellement. Les affaires courantes sont du ressort du Conseil des dépêches qui adresse des dépêches aux autorités régionales ou locales. Il tient lieu de ministère de l’Intérieur. La politique financière relève du Conseil des finances , et le Conseil privé , ou Conseil des parties , juge les pourvois en révision ou en cassation ainsi que toutes les affaires évoquées par le roi.

Les ministres ne constituent pas un ministère, comme de nos jours, et ne sont responsables qu’individuellement devant le roi qui les révoque librement. En fait, un ministre dirige parfois les autres (Sully, Richelieu, Mazarin), et, au XVIIIe siècle, apparaît un «principal ministre». En 1787, on note la première manifestation de leur responsabilité politique. Le ministre Calonne, après le rejet de ses projets de réforme par une assemblée de notables, laisse la place au chef de l’opposition, le cardinal Loménie de Brienne. Le chancelier est le seul ministre qui ait survécu à l’époque féodale. Chef de la justice, il accède au Conseil du roi et préside le Conseil privé. Il joue un rôle important dans la préparation des ordonnances et surtout il a la garde du sceau royal qu’il doit apposer sur les lettres émanant du souverain. À cette occasion, il peut exercer un certain contrôle de la légalité du texte sans pouvoir pour autant empêcher le roi de passer outre à sa mise en garde. C’est dans le personnel de la chancellerie que le roi choisit ses collaborateurs immédiats, simples «secrétaires-notaires du roi». Ils deviendront, au XVIe siècle, de véritables ministres sous le nom de secrétaires d’État. Bien que ne prenant pas juridiquement des décisions, ils ont en fait des pouvoirs très importants.

Chaque ministre est à la tête d’un département. Ce terme, conservé de nos jours, a perdu pourtant sa signification originelle. Anciennement, en effet, les secrétaires d’État ont des pouvoirs répartis géographiquement. À part les questions de justice et de finances, qui relèvent de ministres spécialisés, les autres affaires sont distribuées entre quatre secrétaires d’État qui se partagent le territoire. Comble de l’illogisme sinon contradiction flagrante avec une spécialisation inhérente à toute modernisation! En réalité, le système s’explique historiquement par le particularisme des provinces, qui rendait illusoire un ministère de l’Intérieur homogène. Le procédé est empirique mais il n’en a pas moins revêtu une certaine spécificité. Les attributions et les rôles sont partiellement dévolus en fonction des divisions territoriales. Ainsi, le secrétaire d’État à la Guerre s’occupe des régions frontières, celui de la Marine des provinces maritimes, etc. Les finances, comme dans tout gouvernement qui se veut moderne, occupent une place prépondérante. Dès la fin du XVIIe siècle, le contrôleur général des finances est le «ministre des Finances». Il est l’ordonnateur de toutes les dépenses et domine souvent de ce fait ses collègues. L’importance des pouvoirs de fait des ministres contraste avec leur impossibilité de prendre juridiquement des décisions. C’est là, en effet, le problème de toute l’administration monarchique.

Les cadres administratifs

Au début du Moyen Âge, on constate une tendance permanente des agents de l’État à s’assurer un droit personnel à l’exercice de leurs fonctions. «L’agent exerçait une fonction rémunératrice comme s’il exploitait une terre du roi, il la tenait à fief et la patrimonialité des fiefs assurait à la fonction fieffée le maximum de stabilité; mais avec une indépendance aussi grande, la fonction était mal remplie et le pouvoir royal n’était pas obéi» (P. C. Timbal). À l’époque moderne, le roi devra compter avec cette tendance naturelle chez ses agents visant à obtenir un droit stable et si possible transmissible. Si les souverains ont pu flatter ce penchant pour en tirer des avantages pécuniaires avec le système des offices , ils ont dû, aussi bien pour préserver leur autorité sur les fonctions importantes que pour moderniser l’administration, opter pour un système de commission révocable.

À l’origine, l’officier était nommé «pour tant comme il plaira au roi». Les agents du roi, pour se prémunir contre des révocations arbitraires, obtiennent dans un premier temps l’inamovibilité (1467). Par la suite, la patrimonialité est accordée en deux étapes: la vénalité et l’hérédité. Le trafic des offices a d’abord sévi entre les particuliers. Le souverain, après avoir entériné la pratique, l’utilise à son profit en créant des offices qu’il vend au plus offrant, cherchant par tous moyens à allécher les preneurs.

L’hérédité, complément logique de la vénalité, n’est accordée qu’en 1604 contre paiement d’un droit annuel, ou paulette , du nom du financier Charles Paulet, inventeur de l’idée. La vénalité des offices a fort mauvaise presse de nos jours; elle est le symbole des tares de l’Ancien Régime. Le jugement doit être nuancé. Sur le plan technique, le passif l’emporte sans aucun doute: la multiplication des offices inutiles, quand le roi a besoin d’argent, la pratique des épices sont les moindres défauts du système. Quant à l’indépendance des officiers propriétaires de leur charge, elle est à la fois la meilleure et la pire des choses. Les cours souveraines résistent efficacement à l’absolutisme royal, mais elles réagissent de façon excessive, désordonnée, plus soucieuses de leurs privilèges que de l’intérêt national.

Sur le plan social, en revanche, l’institution apparaît bénéfique, car elle a contribué à la promotion des classes inférieures. C’est grâce à la vénalité des offices que la bourgeoisie a pu jouer un rôle politique important. Mais le système présentait pour l’absolutisme monarchique de sérieux dangers, et c’est pourquoi, à la fin du XVIe siècle, la commission est en faveur, tandis que la menace de rachat des offices importants entraîne une désaffection de la bourgeoisie à l’égard des institutions traditionnelles.

La commission est le type le plus ancien et le plus pur de la délégation publique. Le procédé est caractérisé par une totale révocabilité du titulaire. Les commissaires ont été particulièrement nombreux pendant les périodes troublées; d’une façon générale, ils sont chargés des missions délicates ou occupent les postes les plus importants. Outre les ministres et autres personnages du gouvernement central, sont habituellement commissaires ceux que l’on appelle aujourd’hui des fonctionnaires d’autorité, dont le type est l’intendant ; ils constituent les cadres de l’administration régionale.

L’administration régionale et locale

L’administration régionale et locale, grâce à l’action des intendants, est surtout caractérisée par une très forte centralisation; mais, en raison de l’organisation corporative du royaume, la centralisation est plus ou moins poussée selon les régions. C’est ainsi que le particularisme est surtout vivace à la périphérie du royaume (pays d’État), tandis que la centralisation est maximale dans les provinces les plus récemment conquises (pays d’imposition: Roussillon, Alsace...). La centralisation a été cependant précédée, avant la fin du XVIe siècle, et suivie, peu avant 1789, d’une période de décentralisation. Le conservatisme est la règle dans l’administration locale.

Les intendants sont les chefs de l’administration régionale dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, et les prédécesseurs de nos préfets. Ils avaient eux-mêmes remplacé des administrateurs qu’ils avaient supplantés. Les baillis et sénéchaux, agents locaux du roi au Moyen Âge, conservent leurs offices, mais avec des attributions honorifiques.

Les fonctions militaires du gouverneur et sa haute condition sociale en font un adversaire plus redoutable des intendants. Les gouverneurs ne sont cependant que des commissaires, mais leur ancienneté (guerre de Cent Ans) et leur rôle important au XVIe siècle font souvent échec à la révocabilité de leurs fonctions. Le roi anéantit leur influence en multipliant les nominations et en les obligeant à résider à sa cour.

La fonction d’intendant date du début du XVIIe siècle, époque où le roi modernise son administration et développe la centralisation. Aussi ces agents du pouvoir central sont-ils toujours restés des commissaires désignés et révoqués librement par le souverain. Leur ressort est la généralité, circonscription qui correspond en moyenne à trois de nos départements. «Issus de la bourgeoisie ou de la petite noblesse, les intendants, inférieurs en dignité aux grands personnages que sont les gouverneurs, détiennent l’autorité et sont vraiment les hommes du roi dans les provinces: en liaison permanente avec le secrétaire d’État chargé de leur généralité et surtout avec le contrôleur général des finances qui leur transmet les instructions du roi, ils provoquent souvent eux-mêmes les ordres qu’ils jugent opportuns et sont, en définitive, de véritables ministres résidant dans les provinces» (P. C. Timbal).

En dépit de la centralisation croissante, certaines régions ont conservé des assemblées des trois ordres (états provinciaux) qui constituent un élément régional de l’administration monarchique. Au XVIIIe siècle, une tentative est faite, à l’instigation de certains publicistes et des physiocrates (Turgot), pour généraliser cette décentralisation par la création d’assemblées provinciales. Intendants et parlements feront échouer la réforme.

L’administration locale maintient la distinction entre villes et communautés rurales, à la différence de notre époque où tout est fondu dans le cadre de la commune. Les villes, rapidement émancipées de la tutelle seigneuriale, ont organisé la défense de leurs intérêts grâce à des structures municipales permanentes. Les désordres financiers chroniques ont favorisé l’intervention de la monarchie, qui ne prêchait cependant pas d’exemple dans ce domaine. Mais, par son intervention, et en garantissant l’ordre public, la royauté a rassuré la bourgeoisie; il en est résulté pour les villes un développement considérable de leur crédit qui, paradoxalement, a profité au pouvoir central, de plus en plus impécunieux (cf. les rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris).

Les communautés rurales, au contraire, sont demeurées dans le cadre seigneurial, en dépit d’une organisation progressive, et, à la veille de 1789, elles conservaient encore de très fortes attaches avec lui. La paroisse, unité religieuse, reste l’unité administrative.

Les grands services publics

Il ne saurait être question, à propos des grands services publics, que d’une synthèse relative aux trois secteurs essentiels, cultes, justice et finances.

Les cultes

Le catholicisme est religion d’État. Au Moyen Âge, le royaume de France, comme tous les royaumes occidentaux, était dans l’Église. À partir du XVe siècle, l’universalisme de la Chrétienté a vécu, l’Église gallicane fait partie du royaume de France et, au siècle suivant, le succès de la Réforme accentuera l’évolution. La papauté ne conserve plus qu’une autorité spirituelle. L’Église de France reste cependant dans l’État, la séparation de l’Église et de l’État étant impensable à l’époque; à l’immixtion du pape dans les affaires temporelles du royaume a succédé l’intervention du roi dans les affaires de l’Église gallicane. Au XVIe siècle sont proclamées les libertés de l’Église gallicane qui seront officialisées sous Louis XIV par la déclaration des Quatre Articles de 1682. L’Église de France est soumise pour le temporel et la discipline à l’autorité royale. Le pape voit sa plénitude de puissance reconnue, sous réserve qu’on respecte d’un côté les canons des conciles œcuméniques et de l’autre l’usage général de l’Église de France. Les libertés gallicanes sont sanctionnées par les parlements grâce à la procédure de l’appel comme d’abus (les décisions épiscopales contraires aux libertés sont cassées pour abus). Le roi intervient dans le recrutement de la hiérarchie ecclésiastique comme dans son organisation (concordat de Bologne de 1516), il contrôle sa juridiction et surveille son patrimoine qui doit participer aux charges de l’État.

Des trois ordres de la société, le clergé est de beaucoup le mieux organisé. Une assemblée générale du clergé , aux attributions aussi importantes que variées, se réunit tous les dix ans. Elle vote notamment l’impôt, après en avoir discuté le montant avec le souverain, et le perçoit elle-même. Un organe permanent (agents généraux du clergé) défend, dans l’intervalle des sessions, les intérêts de l’ordre auprès du gouvernement.

État dans l’Église, Église dans l’État, la cohésion du monde catholique a été très profondément ébranlée par la Réforme. La tolérance assurée par l’édit de Nantes (1598) se heurte au principe de l’unité de foi dans le royaume, et c’est pourquoi il est révoqué (1685). Il faudra attendre plus d’un siècle (édit de 1787) pour voir se concrétiser le renouveau de tolérance qui se manifeste au milieu du XVIIIe siècle. Quant aux juifs, à la différence des protestants qui, tolérés ou persécutés, restent néanmoins sujets du roi, ils sont considérés comme des étrangers et comme tels régis par le statut personnel.

La justice

«Toute justice émane du roi.» L’adage reflète la suprématie de la justice royale sur les justices seigneuriales ou municipales. Celles-ci ne disparaissent pas pour autant, car il aurait fallu indemniser les justiciers dépossédés et s’aliéner la noblesse rurale attachée à ses privilèges honorifiques. Beaucoup plus difficile fut l’accroissement de la compétence des juges royaux face aux justices ecclésiastiques. L’appel comme d’abus a joué, en la matière, un rôle important et plus encore le système de la prévention qui engendre une «utile émulation» pour le plus grand bien du service.

La complexité résulte du pouvoir personnel du roi de rendre la justice. Si, normalement, il délègue son pouvoir, dans certains cas il le retient par-devers lui. La justice retenue , symbole de l’arbitraire pour un moderne (lettres de cachet, révocations), correspond à l’idée que l’on se faisait à l’époque du souverain justicier. La justice déléguée est rendue par des juridictions de droit commun fortement hiérarchisées. Les parlements sont encore appelés cours souveraines car ils jugent «au souverain». Leurs arrêts, non susceptibles d’appel, peuvent cependant être cassés par le Conseil du roi. Unique à l’origine, le Parlement de Paris voit sa tâche allégée par la création de nouveaux parlements, dès le milieu du XVe siècle (Toulouse, Grenoble, Bordeaux...).

Mais il existe également de nombreuses juridictions d’exception créées au gré des circonstances, tantôt cours souveraines, tantôt juridictions de première instance (juridictions financières surtout: chambre des comptes, chambre des monnaies, cour des aides). Tenant compte des critiques justifiées à leur endroit, le roi en supprimera un certain nombre à la veille de la Révolution.

Les finances

Les finances demeurent le point faible de l’administration royale. Ce ne sont plus seulement le conservatisme et le respect excessif de la coutume qui sont en cause, mais un empirisme déconcertant qui fait créer des recettes au fur et à mesure des besoins, ce qui engendre anarchie et surcroît de complexité.

L’absence de budget, le recours à l’emprunt sont un moindre mal. Coutumière est la distinction entre les finances ordinaires et extraordinaires. Le roi perçoit librement les ressources de son domaine qui composent les premières, tandis qu’il a besoin du consentement de ses sujets pour créer un impôt. Prosaïque et endémique est le procédé qui consiste à faire entrer dans le cadre des finances ordinaires des ressources nouvelles (monopoles du tabac, du timbre, etc.). L’impôt direct général est la taille , impôt permanent levé à l’occasion de la guerre de Cent Ans pour subvenir aux dépenses militaires. En dépit du principe selon lequel les sujets, par l’intermédiaire des états généraux, doivent consentir l’impôt, la taille non expressément approuvée par les états est tacitement admise en raison de la nécessité de l’entretien d’une armée permanente. Le roi en fixe librement le montant. Malgré la création d’impôts nouveaux par Louis XIV et Louis XV, l’idée d’un consentement nécessaire des sujets demeure. Elle est à l’origine de l’échec de l’«imposition territoriale» proposée par Calonne et Brienne, et la cause de la convocation des États généraux de 1789.

Les pouvoirs du souverain sont plus larges en matière d’impositions indirectes. Celles-ci paraissent, en effet, plus naturelles sinon, quantitativement, plus acceptables. Le roi a pu créer des impôts indirects sans trop de difficultés, exception faite pour la très impopulaire gabelle (impôt sur la vente du sel, XIVe siècle). À la différence des contributions directes dont la perception exige une organisation compliquée, source de nombreux abus, les indirectes sont affermées à des particuliers. À l’instigation de Colbert, on adopte en 1681 le système du bail unique pour l’ensemble des revenus domaniaux et des impôts indirects du royaume: c’est la Ferme générale. Organisation privée, elle a été beaucoup plus efficace en son domaine que l’administration publique correspondante. Elle est à l’origine de la concession de notre droit administratif moderne.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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